Le blog de Gilles MICHAUD

La cérémonie d'entrée au Panthéon de Simone Veil et de son époux, ce dernier dimanche, était en effet fort émouvante; toute l'organisation et le contenu textuel, musical et visuel furent à la hauteur symbolique de l'événement, bien qu'il ne soit pas nécessaire que le président de la République, représentant seul la Nation, fût accompagné jusqu'à l'intérieur du temple par son épouse.

Mon regret, c'est que le Ministre de l'Education nationale n'ait pas envoyé une circulaire aux chefs d'établissements scolaires depuis l'école primaire jusqu'au lycée pour passer ce lundi matin une heure à parler du sens de cette cérémonie dans ce lieu si particulier de notre Nation qu'est le Panthéon: Shoah, droits des femmes, Europe, quelle immense possibilité de partage avec notre jeunesse. Quelle triste occasion manquée. Nous avions une possibilité exceptionnelle de semer de la mémoire dans les sillons de l'avenir de notre pays et nous ne l'avons pas fait.

On ne reviendra jamais en arrière et le service national d'un an, auquel beaucoup échappaient, succédant lui-même au service dit militaire, ne renaîtra jamais de ses cendres. Les temps ont changé, les jeunes bougent déjà dès leur scolarité, nous ne sommes plus en temps de guerre conventionnelle ou sous une menace guerrière classique, notre budget est limité.

Mais.

Il est important, si on croit encore à l'idée de nation et de république, que notre jeunesse ait un temps commun obligatoire de brassage culturel et de partage sans que ce temps consacré entrave les autres projets pédagogiques ou professionnels de ces jeunes; le "package" présidentiel et gouvernemental va dans le bon sens et peut ouvrir des perspectives pour certains, soit en termes de convictions, soit en termes d'orientation. Choisir 16 ans est également une très bonne  idée, quand tout n'est pas encore formaté dans la tête de ces chers enfants; on se plaint toujours du coût annoncé ou prévisible de la mesure mais on n'évoque pas les gains inestimables à terme de ce projet: sentiment d'appartenance à la nation, connaissance de l'altérité, étude du discernement, orientation, goûts, ... Et puis la fraternité n'est pas innée, elle s'apprend et se cultive.

Je relance mon idée ancienne d'une structure saisonnière et donc renouvelable: le pont des Arts.

Il s'agirait de relier le quai du 8 mai 1945 (secteur La Taupanne- Alaman) et la promenade des Acadiens en face, de l'autre côté de la Vienne, par un pont réservé aux cyclistes et aux piétons, en ossature bois, qui serait installé de début juin à fin septembre; il suffit de poser dans le lit de la rivière des supports bétonnés qui resteraient en place pour pouvoir chaque été échafauder l'édifice qui, outre une sécurité pour les gens traversant cet axe, provoquerait un attrait pour un partage de détente des deux berges; je pense qu'en organisant une opération de type mécenat, on parviendrait aisément à convaincre Messieurs Boutinet (pour la maçonnerie), Doublié (pour la métallurgie) et Merlot (pour la menuiserie) de la pertinence d'un tel projet, somme toute modeste, qui les mettrait aussi sacrément en valeur.

J'oubliais seulement que je ne suis pas élu (de plein exercice), même si d'aucuns évoquent toujours mon nom ...

Je suis tombé un jour par hasard sur un recueil de nouvelles d'Anton Tchekhov portant le titre de l'une d'entre elles, "les groseilliers". Avoir des groseilles, l'objectif obsessionnel de Nicolaï, petit fonctionnaire rêvant d'être riche et de posséder un domaine sur lequel pousseraient, justement, des groseilliers. A la fin, il l'aura bien, sa première assiette de groseilles, au prix de quelques comportements peu louables.

Je songe  à cet auteur si particulier quand je contemple mes groseilliers, anciens (bien plus âgés que moi) ou plus neufs, résultant de bouturages; j'en ai des rouges et des blancs, denrée rare, le goût étant le même. Ce week-end, il sera temps d'en ramasser les fruits, pour les confitures annuelles, parfois mélangés aux framboises.

S'il est un point par lequel on pourrait me rapprocher de l'affreux Nicolaï, c'est justement l'ancrage des groseilliers dans mon histoire puisqu'ils forment, ici, une vénérable allée avec d'autres arbres (pruniers Sainte Catherine ou d'Agen, cognassier) et que j'y connus, enfant, mes premières courses à pied qui me faisaient croire être un grand champion. Après d'autres, bouturer ces groseilliers, qui vivront des décennies, c'est, d'une certaine manière, ne pas mourir.

Il n'y a pas encore si longtemps on trouvait des feux de Saint Jean dans beaucoup d'endroits, parfois, dans un hameau, au carrefour de deux routes. S'il en reste, ils sont dénués de tout sens symbolique, juste un petit coup de communication; le feu de Saint Jean, dans la tradition, c'est la vie, l'hymne à la naissance de l'été et à la victoire des longues soirées de ciels rouges. On y met tous ses soucis, ses drames, ses souffrances. Ils partent dans le crépitement de l'embrasement des brandes et des branches vers les étoiles (déjà le feu de la veillée pascale avait montré le chemin).

C'était aussi, pour les personnes du sexe féminin qui sautaient par dessus le brasier, la promesse d'une fécondité dans l'année à suivre. Je puis témoigner, pour quelqu'une, pourtant proche de la ménopause, de cette réussite.

Aujourd'hui la froideur d'un laboratoire de PMA, méthode coûteuse et incertaine, a vaincu la chaleur du feu de Saint Jean, méthode pourtant gratuite et fiable. Dans quelle époque vivons-nous!