Je prends un peu de temps, parfois, entre midi et deux, pour rejoindre, seul, les rives de la Loire, aux abords du pont Wilson, près de la guinguette (ah!...) de Tours.
Je songe à mon beau-père qui entreprit en 1944 de s'engouffrer dans les égouts du pont Wilson pour favoriser l'entrée des Américains dans la ville.
C'est le bruit de la Loire et de ses chutes d'eau qui me berce et qui me fait oublier, un peu, mes dossiers douloureux et les tracas du monde. J'ai emporté Genevoix avec moi, "Rémi des Rauches". Cette journée-là, le 19 février, le soleil est chaud, la Loire m'appartient.
Genevoix a écrit "Rémi des rauches" en 1922, au retour de la guerre. L'un des deux personnages principaux, le père Jude, est amoureux de la Loire, et il en parle à Rémi comme d'une femme -je lis à voix haute, il n'y a personne-:
"C'est que je l'aime, murmura-t-il, je l'aime pour la beauté dont elle comble mes yeux, pour les courbes molles de ses rives, pour les grèves ardentes que le soleil fait trembler (...) Maintes fois, maintes fois j'ai cru voir, à l'image d'un clair visage de femme, sourire le visage de la Loire. J'ai rêvé, dans un bloc de marbre blond, de hanches souples et de seins aux belles courbes (...)", etc, etc...
Ah! Une ville traversée par l'eau ne connaît pas son bonheur. Car l'eau vive fait le bonheur des hommes qui peuvent divaguer en suivant ses flots, en rêves... Une poétique de l'eau à la Gaston Bachelard. Et nous, à Châtellerault, que ferons-nous de notre Vienne, une petite Loire selon Bedel, pour que les hommes y rêvent au bruit de clapotis berceurs?...