Recensement

   CHATELLERAULT a encore perdu des habitants, d'un recensement sur l'autre, un peu moins certes que LOUDUN et MONTMORILLON, villes excentrées de POITIERS, ville-phare à qui tout sourit, et qui sont loin de tout. On parle d'emblée de la pression fiscale, du côut de l'immobilier, de l'appauvrissement et du vieillissement de la population, ce qui est statistiquement vérifiable.

   On se réjouit du succès d'AVAILLES, de THURE, de NAINTRE, de SENILLE, de MONTHOIRON, qui ont un lien fort avec la ville-mère que doit être CHATELLERAULT, mais avec le risque d'être des villages-dortoirs avec un habitat neuf parfois douteux, mitant le paysage, sans cohésion ni souci géo-historique. Maudit sois-tu pavillonneur !

 Mais il y a, au fond, quelque chose de plus inquiétant, sournois, profondément collectif et difficilement exprimable: cette ville-mère dit à ses enfants "Partez, mes enfants, je n'ai plus les moyens de vous nourrir et de vous accueillir tous, moi je ne sais pas ce que je vais devenir, ces dix siècles m'ont épuisée et je suis lasse; j'ai vu partir les tisserands (Gargantua dormait dans des draps de "CHASTELLERAUD"), les couteliers, les armuriers, les mariniers, les lavandières, les manuchards, MESCLE, les filles des champignons, AMOR et tous les autres, et aujourd'hui j'entends les pleurs de ceux de FABRIS et de tous leurs frères, et je n'en peux plus; d'autant que j'accueille toute la misère du monde et que ne jouent plus dans mes vieilles rues sinistres que de gentils gamins dont les mamans sont venues d'Afrique Noire et qui n'ont que leurs mains vides à me tendre."

   Nous n'avons jamais eu le monopole du coeur, comme disait l'autre, mais cette âme de CHATELLERAULT, notre équipe l'avait saisie et entendue. elle sait que nous sommes là; qu'elle ait la patience et la force de nous attendre.