Le nouveau palais de justice de Paris, construit aux Batignolles, se veut en rupture complète avec son prédécesseur de l'île de la Cité: du verre, de la hauteur, de la tranparence; la vérité doit éclater de cette luminosité verticale. C'était la consigne donnée aux architectes.
L'île de la Cité, c'était la pierre, le bois, la pénombre, pour ne pas dire l'obscurité, une horizontalité de couloirs, de dédales, de salles d'audience boisées, de porches et de coursives sous les toits d'ardoise. Et pourtant, pendant des générations de magistrats, de greffiers, d'escortes, d'avocats,de journalistes, de délinquants et de plaignants, c'est de ce labyrinthe de bois et de pierre, de tentures, de bustes et de peintures austères que la vérité de tout homme et du monde est sortie.
Dans le bureau mal orienté que j'occupe quand j'agis en qualité de juge des libertés et de la détention au tribunal de Tours, la noirceur de la fin du jour vient vite et c'est souvent dans l'intimité de cette obscurité que l'homme en face de moi s'effondre et sort les "tripes de son âme". Je ne suis pas certain que la lumière criarde d'un bureau de verre aurait produit le même résultat.
Pour l'instant, comme à Bordeaux où on en est pourtant revenu, tout le monde se gausse de cette réussite d'un palais de verre. On en reparlera. C'est un peu comme les prisons: les détenus préfèrent, et de loin, une vieille prison où il y a de la vie et du dialogue à une prison moderne et informatisée où le silence et l'éloignement règnent en maîtres.