Ainsi Gallimard, cédant à la pression ambiante, a-t-il décidé de ne pas re-publier les écrits antisémites de Louis-Ferdinand Céline, et notamment le fameux "Bagatelles pour un massacre". Je sais que cette lecture est parfois insoutenable, à vomir. Mais d'un auteur porté aux nues par ailleurs -"Voyage au bout de la nuit" en particulier- il faut tout accepter, le bon voire l'excellent, et le mauvais voire l'infâme. Certes Céline lui-même qui avait appris après coup l'enfer des camps de concentration n'avait pas voulu qu'on réédite ses pamphlets antisémites car ils correspondaient aux années 30 et au début de la décennie suivante; mais le temps a passé depuis la mort de Céline (sa femme est toujours vivante, à plus de 100 ans, et elle veille aux droits du défunt et aux siens). Là, il s'agit d'une censure intérieure, d'une auto-censure de prévenance.
Mais comment, d'un côté, commémorer, en juillet, la rafle du Vél' d'Hiv" et la déportation du peuple juif et, en même temps, comme on dit aujourd'hui, dissimuler des écrits qui ont contribué, peu ou prou, à concrétiser le climat qui allait produire ces affreux agissements avec le soutien de nos policiers et gendarmes?
Un article fait très bien le point de ce dossier: "Céline antisémite Un sujet bateau", par Bernard Morlino dans la revue Service littéraire, numéro de mai 2017. On y trouve une bonne bibliographie et notamment "Céline, la race, le Juif. Légende littéraire et vérité historique", par Annick Duraffour et Pierre-André Taguieff, chez Fayard.
Sur la censure, je recommande Maurice Garçon: "Contre la censure et autres plaidoyers pour les Arts et Lettres" sous l'initiative de Jean-Claude Zylberstein aux éditions Les belles lettres; je suis en train de le lire. Superbe Maurice Garçon.
