A l'usine où travaillaient surtout des femmes il était connu pour être un "sacré numéro", un homme, un vrai, un divin dégustateur de l'anatomie féminine. Dans les vestiaires métalliques où ces dames déposaient leurs blouses et leurs affaires, on parlait de lui avec délectation et pour tout dire on se concurrençait pour l'approcher sous un prétexte divers dans les travées -en évitant le chariot élévateur bruyant et bolide-. Il y avait là l'odeur bien caractéristique des huiles métalliques et des copeaux éclaboussés par le travail sur la machine qui titillait l'acier. Odeur capiteuse auprès de lui. Sa douce transpiration, ses biceps sportifs -sans excès- et ses tatouages subjuguaient la curieuse, mais elle aimait par avance ses mains, surtout ses mains, expertes et inventives disaient-elles, qui lui avaient, en plus du reste, donné le surnom de "couteau suisse". C'était moins noble que "Don Juan" mais terriblement pratique.