En effet Jean d'Ormesson aimait ce lieu qu'il considérait comme l'une des manifestations de l'existence de Dieu. Cette rediffusion est pour lui.
"Ganagobie, lieu si particulier entre Digne les Bains et Manosque, perché sur un promontoire depuis mille ans -sans compter les temps antérieurs, pré-historiques jusqu' aux gallo-romains-.
Un prieuré rattaché à Cluny, longtemps abandonné et en ruines, restauré depuis quelques décennies, est aujourd'hui occupé par des Bénédictins ayant trouvé l'abbaye de Hautecombe en Savoie trop envahie par le tourisme; en bas l' immense vallée de la Durance et au loin les pré-Alpes. Une vue circulaire sublime sur la Provence.
L'église du prieuré est d'un art roman épuré, sobre, puissant, seulement gratifié de mosaÏques presque byzantines dans le choeur, représentant d'ailleurs des scènes non religieuses: des combats, des animaux, dont un éléphant. Une lumière discrète traverse les vitraux aux verres désormais contemporains très simples. Le cloître, visible depuis la nef, est de faible dimension mais on le sent en effet "puissant".
Prier et marcher à Ganagobie, cela donne une paix, une sérénité, un détachement, une quiétude.
Pourtant ce calme apparent est troublé par le souvenir de Gaston Dominici, la fameuse affaire Dominici de 1952 et plus -le triple crime d'une famille anglaise a été commis sur la commune voisine de Lurs près de la Durance-; en effet, c'est sur ce plateau de Ganagobie, les années antérieures à 1915, que cet homme courageux, avec le statut de fermier, va élever des moutons, faire du seigle, du blé, du bois qu'il portera deux fois par semaine avec sa mule au boulanger de la Brillanne en contre-bas; Gaston Dominici y travaillera dur pour faire les marchés de Forcalquier, d'Oraison et de Digne; sur ce plateau brassé par le vent, entre des bois de petits chênes exténués, résistent au temps des ruines de bâtiments: ceux occupés il y a presque cent ans par Gaston et sa famille? Cette évocation criminelle, même si beaucoup sont persuadés de l'innocence de Gaston Dominici, agit comme un caillou dans une sandale. C'est gênant. On peut lire en faveur de l'innocence le bouquin passionnant de William Raymond (préfacé par Alain Dominici, un petit-fils), "Dominici non coupable -les assassins retrouvés", Flammarion 2003). La démonstration est forte et permet de réconcilier le souvenir de Gaston Dominici avec la pureté de Ganagobie. Ouf."