Rien à voir évidemment avec "Feu la mère de Madame" de Feydeau, joué en alternance à la salle fétiche de la Taupanne.
Jean-Pierre Duffourc-Bazin et sa troupe n'ont pas choisi la facilité avec "Chacun sa vérité" de Luigi Pirandello.
La pièce, créée en 1907, a sans doute vieilli par son côté intellectualisme et théâtre gigogne, l'auteur, par le biais d'un personnage dehors-dedans, entre scène et public et de l'un à l'autre, Lamberto Laudisi, ne se privant pas d'intervenir à volonté sur le déroulement de la pièce et sur son dénouement organisé.
La pièce apparaît en effet "désincarnée", manque de chair, au profit du discours et du jeu incessant entre hypothèses opposées.
Pirandello, qui avait une épouse atteinte de folie, est obsédé par le problème de l'identité à travers le regard contradictoire des tiers. S'il est trop tôt pour dire avec Sartre que "l'enfer, c'est les autres", cela y ressemble étrangement.
Au-delà du plaisir de l'excellent jeu des acteurs dans un style costumé et maniéré contemporain, j'ai profité d'un double intérêt professionnel: l'intérêt psychiatrique puisque la folie est l'axe majeur de la pièce et qu'elle n'est pas toujours là où l'on croit, l'intérêt juridique puisqu'on a bien vu que l'identité juridiquement mise en forme (les actes de naissance et autres témoignages de seconde main) ne correspond pas nécessairement à la vérité.
Celle-ci n'est toujours que plurielle, comme la gauche jadis. Et l'erreur est singulière!
Passionnant, jusqu'au-delà de la fin, les acteurs venant en habits de ville débattre avec le public.